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La Barbière de Paris : Une avant-gardiste au sommet
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Entre la création d’une nouvelle gamme de soins et l’inauguration de quatre nouveaux barbershop à Paris côté Rive Gauche, New-York et San Francisco en 2017, Sarah Daniel-Hamizi, fondatrice de « La Barbière de Paris » ne s’arrête jamais ou presque. Dans son agenda millimétré, on croise aussi bien Jean-Paul Gaultier, que des hipsters et autres hommes d’affaires pressés. Livecoiffure.com a rencontré l’ultime référence en matière de barbe au sublime salon de la rue Bertin Poirée.
Laure Delvigo -
Votre show « L’homme Couture » a été plébiscité au MCB, quel est son concept ?
L’homme couture, c’est travailler des matières différentes, comme des vêtements, ou de la mousse, des accessoires. L’année dernière c’était une innovation autour des extensions, blondes, raides. Le thème de l’extension devait évoluer ; on arrive à faire aujourd’hui tellement de belles choses sur le dessus de la tête des filles, c’est incroyable ! Pourquoi ne viendrait-on pas habiller aussi le torse à travers cette barbe, cette extension ? Cette année, j’ai laissé parler mon côté artiste, malgré une contrepartie, difficile à gérer : En tant que coiffeur, on a l’habitude de faire des tresses, des chignons, des brushings, des boucles, or sur la barbe, tout est supporté du haut vers le bas. Nous sommes contraints de faire porter, de tenir vers le haut, pour que ça tienne.
Un chignon une fois qu’il est fixé, il est posé mais structuré. Côté barbe, la structure va vers le bas, donc tous les poils sont tirés. En fait, tout est inversé. Sur l’homme couture, j’ai également accroché des petites fourrures, une mousse large de 5 millimètres, afin de créer du contraste. On s’est régalé, c’était surprenant. -
Comment faire tenir des extensions sur une barbe ?
Plusieurs méthodes existent. La tisser ce n’est pas mon métier, je ne sais pas faire. La coller c’est dangereux pour le poil naturel et aussi ce système de clips.
Il suffit d’avoir un peu de matière à crêper, qui permet également de numéroter les mèches en fonction de la zone où on les pose, donc 1,2,3,4,5. Lorsque le client arrive chez lui, il déclipse et sait où va le numéro 1, que les numéros 3 et 4 vont aussi à tel endroit…
Bref, ce système leur permet de restituer le puzzle, car selon les zones sur lesquelles on va poser les extensions, celles-ci ne sont jamais de la même longueur. C’est du sur-mesure adapté à chaque type de morphologie. Certains clients ont des bases de morpho très larges, des maxillaires assez prononcés et puis d’autres n’ont en revanche pas du tout de maxillaires, donc on ne posera pas l’extension de la même manière.
Que représente pour vous le MCB ?
Les visiteurs viennent de partout, de l’étranger, de province. Il faut toujours se dépasser, donc on réfléchit sans cesse. C’est pourquoi je suis toujours en train de réfléchir. Il s’agit de trouver des innovations pour la Barbière de Paris. C’est important de se positionner là-dessus. Chaque année quand je finis mon show je me dis, « Oh, que vais-je leur présenter l’année prochaine ? ». Je suis déjà partie ailleurs !
A l’extérieur, je vois des éléments : Un arbre, une feuille, je me dis « tiens cette forme est jolie… » Sans cesse en réflexion de nouveauté, de création.C’est extraordinaire, c’est un métier toujours en créativité permanente, il se passe toujours quelque chose ?!
Tout à fait, et là c’est au delà même de la coiffure, le domaine masculin qu’on a renié pendant des années, mis un peu de coté dans les salons, j’ai envie de lui redonner une vie, de dire qu’un homme a autant de droits de s’exprimer, de s’embellir, de prendre soin de lui qu’une femme.
La femme, sa parure c’est ses cheveux et un homme sa parure c’est sa barbe. Il peut donc en jouer : Elle peut être décolorée, dread, frisée… Vraiment c’est quelque chose qui sublime tellement le visage, qui le transforme avec beaucoup de force.
Vous êtes plus qu’avant-gardiste en matière de barbe, comment arriver à un tel niveau ?
En fait, toutes ces techniques qu’on a mis au point, rasage, coloration, brushing, maquillage de barbe, extension de barbe, c’est des nouveautés. Depuis 8 ans je travaille là-dessus. Je me souviens du rasage vapeur extrêmement critiqué par mes confrères barbiers, qui aujourd’hui le pratiquent.
Moi je ne m’arrête pas là, je continue. Les extensions de la barbe : « C’est du délire, ça ne se porte pas… ! ». Quand on va dans les cercles de la haute couture française, vous croyez que les filles qui défilent se baladent comme ça dans la rue ? Non, c’est de l’Art. Et c’est aussi l’évolution des mœurs. -
Le crédo de La Barbière de Paris ?
Amener ce métier d’artisan au rang d’Art. J’essaie de le porter comme ça en tout cas, d’arrêter de dire que l’on subit le métier de coiffeur ou de barbier.
Personnellement, je ne subis pas, je l’ai choisi. J’ai choisi de faire mon CAP, mon BP, parce que toute petite je voulais être barbière. Ici tous les gens sont passionnés. Aujourd’hui je respire, je dors barbe. Chaque jour il y a des choses nouvelles, c’est toujours différent.
Que pensez vous des techniques anglo-saxonnes ?
Je suis partie à Londres et à New York, afin d’observer ce qui se faisait. J’étais tellement enthousiaste d’y aller les premières fois. Il y a 5 - 6 ans on parlait tellement de barber shop, vraiment je m’attendais à une forme de culture extraordinaire. In fine, j’ai été déçue. Hormis les boutiques et l’habillage, sur le fond et les techniques, on n’a rien à leur envier, mais vraiment rien.
Nous sommes restés dans les barber shop, regardé comment ils travaillaient techniquement parlant. C’est très basique. Quand on voit comment ils portent leurs barbes et leurs cheveux, on comprend que l’excellence en France est là.
On vient chercher les grands couturiers. On me demande souvent : « Comment faites vous ? où avez vous appris ? » et je réponds « Je n’apprends pas, je développe » et c’est la différence. Quelque part, je fais abstraction de ce qu’il y a autour de moi, j’avance et après j’ai des retours, « c’est génial » « c’est pas bien » … La critique j’adore aussi.
Vous venez de lancer votre propre marque de produits. Pourquoi la lancer aujourd’hui dans un marché très concurrentiel ?
Ça fait un an et demi que je travaille dessus. Elle vient de voir le jour, car il fallait trouver les bonnes personnes. C’était important de prendre son temps pour le faire, ça faisait longtemps que j’y pensais et voilà on s’est donné les moyens de le faire.
Aujourd’hui, nous avons créé cinq produits et deux nouveautés vont enrichir la gamme.D’après votre expérience, quelles sont les qualités pour être un bon barbier, que recherchez-vous chez vos collaborateurs ?
Passionné, avoir la bonne formation aussi, même si je fonctionne un peu différemment : Je ne prends jamais de barbiers formés, je préfère les former.
Ca prend du temps, cela à un coût, car nos formations durent entre 3 et 6 mois. C’est onéreux, parce qu’on met les moyens nécessaires, mais nous sommes certains que nos collaborateurs travailleront avec notre pate, et on le voit, car on reconnaît notre style.
Une fois, deux garçons en province se sont rencontrés en soirée : « Je sais que tu vas chez la Barbière de Paris », le second répond : « Mais comment tu le sais ? », « Ben je reconnaîs ses traits ». Nous avons une façon de la dessiner. Vous savez c’est comme l’Atelier du Sourcil, on peut reconnaître plus ou moins le style et là c’est pareil. Nous avons cette forme de reconnaissance.
Votre clic du matin ?
Facebook, c’est le premier truc quand je me lève une fois le réveil éteint.
Votre quartier préféré à Paris ?
J’adore Montmartre, parce qu’il y a plein d’artistes et beaucoup de création. Montmartre, pour moi, c’est 6 heures du matin. Il n’y a personne, un sentiment de dominer un peu Paris, pour ne pas dire le monde, marcher…Je n’habite pas très loin aussi. Arriver en jogging, monter les escaliers et se percher tout là-haut et regarder le soleil se lever.
Vous voyagez beaucoup, votre destination coup de cœur ?
San Francisco. J’ai adoré, c’est magique, avec plein de garçons barbus !