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Les coulisses de la Fashion Week avec Karl Klattig
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Entre deux défilés pour Zuhair Murad et JOUR/NÉ en tant que coiffeur-chef, rencontre backstage avec Karl Klattig en pleine Fashion Week à Paris. Magnéto.
Laure Delvigo
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Laure Delvigo : En quelques mots, ton parcours ?
J’ai commencé à Dijon dans une grande franchise, pour ne pas la nommer ( Rires ), chez Jacques Dessange, puis Camille Albane. Je suis resté 11 ans dans le groupe Dessange. Puis je suis arrivé à Lyon en 2006 où j’ai créé mon salon Appartement 16 à Lyon. Chez Dessange, je réalisais déjà pas mal de coiffures, des défilés ou des soirées de gala à la Chambre de Commerce par exemple. J’ai toujours été attiré par le monde de la haute coiffure.
Laure Delvigo : La Fashion week de Paris est la plus élitiste du monde, comment es-tu arrivé à te faire une place dans ce circuit réputé impitoyable ?
Karl Klattig : Je visionnais toujours les séries mode de Vogue et Numéro, également les crédits photo. Le style de Laurent Philippon, Global Artistic Director pour Bumble & Bumble se démarquait.
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Par la suite, j’ai été partenaire de MAC Cosmetics à Lyon. Un jour, je rencontre Josée, Directrice Marketing chez MAC Cosmetics, nous discutons beauté, puis Bumble & Bumble , marque pour laquelle je rêvais de travailler !
Josée me dit alors : « Tu sais que Bumble & Bumble, c’est le même groupe que MAC Cosmetics ( ndlr Estée Lauder ) et mon meilleur ami est RP pour Bumble & Bumble ! « J’ai monté un dossier, car Bumble & Bumble souhaitait s’implanter en France. Notre salon a été validé. Lors d’une formation Bumble & Bumble, j’ai eu un très bon feeling avec Philippe Mensah, assistant d’Odile Gilbert, également formateur pour Bumble & Bumble. Un jour, il m’appelle pour Guy Laroche. Là, j’étais comme dans mes petits souliers, même si cela fait vingt-cinq ans que je coiffe ! Tu as l’impression d’apprendre un nouveau métier et je trouve ça vraiment génial !
Une journée type en backstage, comment cela se passe ?
Karl Klattig : Nous arrivons quatre heures avant le défilé. On installe notre matériel pendant que des visuels sur la coiffure à effectuer sont accrochés. Ensuite un modèle arrive, le coiffeur chef réalise la coiffure, explique chaque détail. Cela dure environ une demi- heure. Il fait son fittting. Puis dès que les modèles arrivent, on enclenche. Sur chaque show, tu as environ trois mannequins à coiffer pour huit coiffeurs en moyenne. Après cela dépend des maisons.
Sur Zuhair Murad, nous étions seize coiffeurs. Cela peut monter encore plus haut : Par exemple chez Odile Gilbert, ils étaient quarante-cinq coiffeurs pour un défilé Jean-Paul Gaultier ! Après tu as les mannequins environ trois heures jusqu’à la répétition pendant environ vingt minutes. Cela permet de voir le style, la cohérence des coiffures, celles à refaire ou pas. Souvent, il nous reste une petite heure pour modifier tout le reste ! Et là, c’est le rush : A savoir qu’il y a des filles qui ne sont pas forcément arrivées ! Puis, vingt minutes de défilé et c’est déjà fini.Laure Delvigo : D’après ton expérience, quelles sont les qualités requises pour exercer en Fashion Week ?
Karl Klattig : Mieux vaut éviter d’être un « coiffeur-star », même si tu es un coiffeur-chef, ça n’a rien à voir ! Les places étant rares sur les shows, cela nécessite au départ un investissement, sur la présence, la régularité comme le temps de travail non rémunéré. C’est aussi à prendre en compte…J’ai fait ça pendant quatre ans. Quelque part, on vous teste, voire comment vous résistez à la pression, si vous tenez la même rigueur dans le temps. C’est un peu comme l’armée, les grands chefs.
En défilé, comme en shooting, tu côtoies plein de gens de la mode, or tu restes un artisan. Tu dois être très rigoureux, très appliqué. Et si on te dit de refaire 25 fois la raie au milieu, pour qu’elle soit parfaite, tu la refais. Tu ne peux pas déborder, dans le sens ou si tu crées de façon trop personnelle la coiffure demandée, cela peut être mal interprété. On ne te rappellera pas. Ca fait réfléchir.Laure Delvigo : Un caprice de top ?!
Karl Klattig : Lors du dernier défilé JOUR/NÉ, où j’étais coiffeur-chef, une fille devait faire juste un passage : Sa robe s’est déchirée pendant l’essayage, ils n’ont pas pu la refaire. Du coup elle n’a pas défilé. La pauvre pleurait, une situation très « Fashion Week » ! Une autre m’a aussi fait un scandale sur le défilé Maxime Simoens: Nous devions réaliser des racines de couleur sur une raie au milieu. Ce modèle était blonde platine: Je devais appliquer de la gouache orange, qui était supposée partir au shampoing. Or, on nous a donné de la peinture pour le corps MAC, vu que Blumble & Bumble et MAC travaillent souvent ensemble sur les défilés. Après le show, je fais le shampoing, mais après cinq shampoings, la couleur ne partait toujours pas ! Elle s’est mise à hurler : « Mais comment je vais faire ? Mon agent, mon agent ! « . L’agent arrive : « Tu ne peux rien faire ? » « Après cinq shampoings, je ne peux malheureusement pas faire grand chose de plus… ». Et là, notre mannequin, très princesse répond : « Vous ne vous rendez pas compte, ma couleur c’est mon métier !»
Laure Delvigo : Les dernières tendances sur les défilés ?
Karl Klattig : On revient beaucoup au brushing. Aujourd’hui les mannequins ont aussi les cheveux courts. Et grande première : Le rouleau chauffant is back ! Avec Laurent Philippon, on a également fait des coiffures Rockabilly revisitées avec des papillotes en alu, lisses et frisées. Depuis quelques saisons, on est moins dans la nuance, c’est un peu les extrêmes. Fini les ondulations, contrairement aux tendances en salon, où les clientes reviennent à la notion de coiffage, de cheveux soyeux et de belle matière.
Laure Delvigo : Tes mannequins favoris ?
Karl Klattig : Kate Moss et Linda Evangelista. J’adore aussi Mariacarla Boscono.
Laure Delvigo : Ta ville ?
Karl Klattig : NYC et Montréal aussi.
Laure Delvigo : Tes astuces pour tenir le rythme backstages ?
Karl Klattig : Déjeuner impérativement le matin, sinon le coup de barre est inévitable, tu seras moins concentré, donc moins bon. Boire du Yogi tea, c’est mieux ! ( Rires ) . Et la fête la veille, tu oublies ! Pourquoi ? Tout simplement pour garder le cap, avoir l’esprit clair et être opérationnel.
Laure Delvigo : Ton clic du matin ?
Karl Klattig : Eteindre mon réveil, à 7 heures chaque matin !
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